Extraits de l’arrêtÉ de la Cour de communautés Européennes

(deuxième chambre)             23 septembre 2004

 

«Manquement d'État – Directive 91/271/CEE – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Article 5, paragraphes 1 et 2, et annexe II – Défaut d'identification des zones sensibles – Notion d'‘eutrophisation’ – Défaut de mise en oeuvre d'un traitement plus rigoureux des rejets dans des zones sensibles»

Dans l'affaire C-280/02,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 226 CE,

introduit le 30 juillet 2002,

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. M. Nolin, puis par M. G. Valero Jordana et Mme F. Simonetti, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

République française, représentée par MM. G. de Bergues, D. Petrausch et E. Puisais, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet et R. Schintgen, Mmes F. Macken (rapporteur) et N. Colneric, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées par les parties,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 25 mars 2004,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ayant omis:

d’identifier certaines zones comme zones sensibles au titre de l’eutrophisation pour ce qui concerne les bassins Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Artois-Picardie et Rhône-Méditerranée-Corse, et

de soumettre à un traitement plus rigoureux les rejets d’eaux urbaines résiduaires des agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de plus de 10 000 dans des zones sensibles ou qui auraient dû être identifiées comme sensibles,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphes 1 et 2, et de l’annexe II de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40).

 


Le cadre juridique

2

Aux termes de son article 1er, la directive 91/271 concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels, et a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires précitées.

… […]

4

L’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 91/271 prévoit que, «[p]our les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des ‘zones sensibles’, telles que définies à l’article 5, les États membres veillent à ce que des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont l’EH est supérieur à 10 000».

… […]

86

Quant au golfe du Morbihan, le gouvernement français soutient que, aux termes de l’étude Saunier, qu’il produit, les apports printaniers et estivaux de nitrates ne sont d’origine urbaine qu’à concurrence de 10 %. Toutefois, l’examen de cette étude ne permet pas de confirmer ce chiffre, de sorte qu’il convient également de retenir le pourcentage de 21 % qui résulte du rapport ERM de 1999. En tout état de cause, il y a lieu de constater que l’étude Saunier date de 1993, de sorte que le rapport ERM de 1999 fournit un bilan plus récent de l’état des eaux littorales françaises.

87

La Commission considère à bon droit que des apports d’origine urbaine qui représentent entre 21 % et 32 % du total des apports azotés au cours de la période de développement accéléré des algues ou d’autres végétaux d’espèces supérieures sont significatifs dans l’apparition, le développement ou le maintien d’une situation d’eutrophisation des eaux réceptrices en cause.

88

Dans ces conditions, la Commission a justement constaté que l’estuaire de l’Elorn, le golfe du Morbihan, la baie de Douarnenez et la baie de Concarneau sont eutrophisées au sens de la directive 91/271 et qu’ils auraient dû être identifiés comme zones sensibles à l’eutrophisation.

… […]

103

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier grief est fondé en ce qui concerne la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec l’Andelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, l’estuaire de l’Elorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes ainsi que l’étang de Thau.

Sur le second grief, tiré de l’absence de traitement plus rigoureux des rejets dans des zones sensibles d’eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10 000

104

Il résulte de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 91/271 que les autorités françaises étaient tenues de prendre les mesures nécessaires pour que, s’agissant des agglomérations ayant un EH de plus de 10 000, les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui décrit à l’article 4 de la même directive au plus tard le 31 décembre 1998.

            … […]

115

Dès lors, il y a lieu de conclure que, en ayant omis:

d’identifier comme zones sensibles au titre de l’eutrophisation la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec l’Andelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, l’estuaire de l’Elorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes ainsi que l’étang de Thau, et

de soumettre à un traitement plus rigoureux les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations – autres que Vichy, Aix-en-Provence, Mâcon, Créhange, Saint-Avold, Bailleul, Aurillac, Montauban, Châtillon-sur-Seine et Gray – visées dans la lettre des autorités françaises du 12 décembre 2000 et de l’agglomération de Montpellier, ainsi que les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de plus de 10 000 dans la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec l’Andelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, l’estuaire de l’Elorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes et l’étang de Thau,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphes 1 et 2, et de l’annexe II de la directive 91/271. Le recours est rejeté pour le surplus.


Sur les dépens

116

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

 

 

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

 

1)

 

En ayant omis:

d’identifier comme zones sensibles au titre de l’eutrophisation la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec l’Andelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, l’estuaire de l’Elorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes ainsi que l’étang de Thau, et

de soumettre à un traitement plus rigoureux les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations – autres que Vichy, Aix-en-Provence, Mâcon, Créhange, Saint-Avold, Bailleul, Aurillac, Montauban, Châtillon-sur-Seine et Gray – visées dans la lettre des autorités françaises du 12 décembre 2000 et de l’agglomération de Montpellier, ainsi que les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de plus de 10 000 dans la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec l’Andelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, l’estuaire de l’Elorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes et l’étang de Thau,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphes 1 et 2, et de l’annexe II de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

La République française est condamnée aux dépens.


Signatures.


1

Langue de procédure: le français.